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Un inconnu dans ma maison

J'ai laissé sur la table de la cuisine une pomme à moitié épluchée, dans la machine à laver le linge à étendre, dans ma chambre mon lit défait, et, avant que le soleil ne soit trop chaud, je suis sortie... J'ai marché le long de la plage, jusqu'au petit phare rouge, puis j'ai fait le tour du port, à pas lents. J'ai respiré profondément. J'ai regardé les maisons colorées en me disant qu'un jour j'aimerais bien moi aussi avoir une maison avec un petit jardin derrière. Je me suis dit que c'était pas mal quand même de pouvoir se balader un peu et respirer... Il commençait à faire chaud. Alors, tranquillement, je suis revenue vers chez moi. J'ai monté les 2 étages à pieds. J'ai relevé mes lunettes de soleil sur ma tête, cherché mes clés, ouvert la porte. L'appartement était silencieux. Pourtant, il était toujours là. Il s'est rappelé à moi quand j'ai tourné la clé dans la serrure. Mon bras m'a fait mal. Il m'a fait une grimace quand je suis passée devant le miroir de l'entrée. La cicatrice sous mon aisselle droite est encore bien visible. Il était encore là. Il y a un inconnu dans maison, dans ma vie, dans mon corps. Il est là, planqué, je le sais. Je le sais depuis le 1er juillet dernier, depuis que je me suis assise en face du médecin, qu'il a baissé la tête, a cherché ses mots, et a dit : "Nous avons les résultats de la biopsie. Malheureusement..." Malheureusement... un inconnu est entré dans ma maison et s'y est installé. J'ai un cancer du sein.

ICE BUCKET... ensuite, on met les glaçons dans le seau

Et une semaine de plus d'attente...

Une semaine d'angoisse... de questions à google "j'ai une boule dans le sein. C'est grave ?"... de réponses insatisfaisantes "p'têt bin qu'si ou p'têt bin qu'non"... et puis encore l'angoisse, l'envie d'avoir une réponse, de savoir, d'être fixée, les pensées positives, les pensées négatives, les "surtout ne pas y penser", les "tu verras, je suis sûr que ce n'est rien"...

Et, puis arrive le jour du rendez-vous.

Tout est sous contrôle, sauf que l'hôpital est un immense labirynthe, sauf que j'ai mal noté le nom de la tour dans laquelle je dois me rende, sauf qu'on trouve pas ce putain de bureau où on doit me donner ce putain de papier qui m'ouvre les portes de ce putain de service de mammographie, sauf que je finis par pleurer au nez d'une infirmière alpaguée dans un couloir sous motif qu'avec son ruban rose accroché à la blouse, elle va bien savoir, elle, me dire dans quelle tour est ce putain de bureau où on doit me doit ce put....

Tout est sous contrôle.

2 heures plus tard... J. attend dans le couloir et moi je suis allongée dans une petite pièce, les nénés à l'air, autour de moi, 3 infirmières au sourire aimable (compatissant ?) et la radiologue, une jeune brunette qui donne l'impression de faire son stage de 3ème.

Echographie... repérages, mesures, photos... hum, effectivement, y'a un truc bizarre là.

Mammographie... pose ton sein ici (ici, tout le monde tutoie tout le monde), mets ta main là, le ventre en avant, le cul en arrière, lève un peu plus le bras, c'est bon, je serre, ne bouge plus (euh... j'vois pas comment, à part en embarquant la machine accorchée au téton), et maintenant l'aisselle ! et, on recommence pour l'autre côté, clic clac, c'est dans la boite.

- C'est bon, tu peux te rhabiller, cariño.

- Euh ? On fait pas la biopsie ?

- On va te donner un rendez-vous.

- Ah, bon ? On m'a dit que je ferai tout le même jour. J'veux ma biopsie, j'veux ma biopsie, j'veux ma biopsie. Ouiiin !

- On va voir si c'est possible. Attends dans le couloir. Le médecin regarde les images et on te dit...

Une demi-heure...

- Rosa Rosam ?

- Oui, c'est moi.

- C'est bon. On va faire la biopsie tout de suite.

Moi, j'ai dit "ouf !".

J., toujours assis à attendre dans le couloir, a pensé "ça pue !" (prononcez [sa pou])

Biopsie... Me revoilà sur la table, sein droit offert.

Cette fois, on passe aux choses sérieuses. Champ opératoire. Bétadine en veux-tu en voilà. Petits tissus verts. Elle est plutôt grosse l'aiguille dis donc.
J'espère que la petite stagiaire de 3ème a son diplôme ! Je jette un oeil sur sa blouse, y'a marqué "medico", ça va.

- Attention ! Ca va faire clac clac clac clac.

Clac, clac, clac, clac.

Voilà ! Un petit pansement, un peu de glace pendant 10 min. Rendez-vous mardi de la semaine prochaine pour les résultats.

¡Hasta luego ! ¡Que te vaya bien !

Ah, ah ! Oui, c'est ça, j'espère que ça ira... 

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